07/11/2011

Extraits Les chants de la Walkyrie




La farouche vierge guerrière, depuis son arrivée au Midgard, avait en peu de temps découvert la tendresse, l'amitié, la compassion. Confiante, curieuse, avide, elle s'était ouverte à ces émotions auparavant inconnues d'elle. Et là, tandis qu'elle regardait le nouveau-né  que les matronnes avaient lavé et emmailloté, elle sentait sourdre en elle un sentiment qu'elle ne savait pas nommer, et qui était la haine : haine pour le dieu insensé dont le descendant avait tué sa mère humaine, la douce reine Vara... Et elle,Brunehilde, était la complice consentante de ce dieu inconséquent ! Ce dieu manipulateur qui ne voyait dans ses créatures que des outils au service de ses desseins. Ce dieu qui était son père...


"- Pleurez, mes enfants, pleurez ! Cela ne vous servira à rien, mais accentuera le joie que j'aurai à vous croquer ! Car je ne me nourris pas que de chair, voyez-vous ? Je me nourris avant tout de la douleur et de la peur de mes victimes. Les pleurs et les sanglots me sont aussi doux au palais que le miel. Ce dont je raffole encore plus, ce sont les prières et les supplications ! Ne voulez-vous pas ajouter ce piment à mon repas, mes petits ?"


"Pour construire ce lien merveilleux, les alfes noirs avaient dû réunir six ingrédients si rares que d'aucuns affirmaient qu'ils n'existaient pas : il s'agissait du bruit du pas des chats - car les chats, de tous les animaux, sont les plus silencieux -, de la barbe des femmes - qui conservent, de naissance, le menton glabre -, ou encore des racines des montagnes, des tendons des ours, du souffle des poissons et de la salive des oiseaux. Composé de choses qui "n'existaient pas", Gleipnir était donc une sorte de lien impossible qui, ne pouvant lui-même exister, ne pouvait pas être détruit."



"Oui ce monde était beau, et il en était l'auteur. Ou, plus exactement, il était l'auteur du meurtre rituel qui avait présidé à la création de Midgard. Jadis, à l'issue de la guerre opposant les Ases et les géants du givre qui vivaient avant eux, les jeunes dieux triomphants avaient sacrifié et démembré le vieil Ymir, le père des géants des origines. Odin avait eu l'idée d'utiliser chaque élément du corps du géant tombé pour donner naissance au monde de Midgard. Son sang bouillonnant avait alimenté les flots des fleuves tumultueux, ses os avaient servi à édifier les montagnes, ses dents étaient devenues des pierres, sa chair s'était muée en une terre grasse et féconde arrosée par la pluie de ses larmes, ses cheveux longs et noirs s'étaient transformés en forêts de sapins, sa barbe embroussaillée avait poussé en halliers et buissons touffus, son crâne avait servit de coupole à la voûte céleste, ses yeux éclatants y avaient été accrochés en guise de luminaires et sa cervelle s'était effilochée en nuages.
C'était ainsi qu'avait été créé Midgard. Dans la sauvagerie et les douleurs d'un meurtre cosmique. Le monde des hommes était né du cadavre torturé du géant primordial. Mais, par l'effet de quelque indicible miracle, ce monde accouché dans le sang était devenu beau, merveilleusement beau. Il demeurait empreint de la puissance et de la fécondité d'Ymir, qui survivait à sa cruelle mise à mort en manifestant mille signes de son immortalité joyeuse."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire